En temps ordinaire, Antoine Ropert, athlète licencié au Nantes Métropole Athlétisme, est journaliste pour France 3 Pays de la Loire. Il a pris des vacances afin de pouvoir disputer son premier Grand Raid. Après plus de 47 heures de course à travers les sentiers de La Réunion, il est parvenu à boucler les 165 kilomètres (dont 9 917 m de dénivelé positif) de l’édition 2017 de la Diagonale des Fous. Il termine 820ème sur les 2510 coureurs qui étaient au départ de Saint-Pierre, jeudi soir. Fatigué par l’effort consenti, il n’a pas perdu le sens de l’humour. Entretien.

 

— Antoine, tout d’abord, comment allez-vous ?

Globalement je vais bien en ce qui concerne l’énergie vitale mais j’ai eu des ampoules assez importantes dans les derniers kilomètres donc je me déplace comme un petit vieux en ce moment (rires).   

— Quelle ambiance régnait-il au départ ?

C’était un départ nocturne vers 22 heures dans une ambiance incroyable. A la Réunion, Le Grand Raid, il faut savoir que c’est leur Tour de France à eux. Dès le premiers mètres, ça t’encourage dans un brouhaha et la municipalité avait mis en place un feu d’artifice. La météo a été très clémente avec des nuits douces, les chemins étaient secs et pas de pluie. L’idée c’était de partir prudemment parce je découvrais l’ultra-trail. Je n’avais jamais couru de trail aussi long, donc j’y allais avec humilité. Je n’ai pas réussi à me mettre en milieu de peloton au départ, j’étais avec trois Réunionnais en train de se reposer avant le coup de pistolet et on est parti dans les derniers.


ʻʻ J’aime bien flirter avec mes limites et puis revenir aux fondamentaux ʼʼ


—  Racontez-nous un petit peu votre course…

A chaque contrôle et cela tout au long de la course, le classement s’améliorait donc tu te prends un peu au jeu en te disant que tu vas essayer d’éviter la troisième nuit. Le terrain était très technique avec beaucoup de marche à gravir. Ce que j’ai tout particulièrement aimé, ce sont les échanges avec les autres coureurs et notamment avec les Réunionnais qui te renseignent sur les difficultés à venir parce que certains y ont participé plusieurs fois. Ils te parlent en créole mais quand ils comprennent que tu ne les comprends pas, ils te parlent en français. Ce sont des gens très adorables. Tu discutes de tout et de rien, pour passer le temps. Quelques fois, quand t’as un coup de moins bien, ça te permet de rester éveillé. Il y avait un bon accueil dans les ravitaillements. Des masseurs et des kinés étaient présents et ils soulageaient nos petites douleurs, surtout en fin de parcours. J’ai un ami Réunionnais qui m’a logé sur place. Le lendemain je suis retourné au stade de la Redoute pour accueillir le dernier, qui est reçu comme un roi. T’as le premier de l’épreuve qui lui remet la médaille autour du cou. Il est félicité comme s’il avait remporté la course, c’est magnifique.

— Pourquoi avez-vous accepté ce défi ?

J’ai toujours aimé les épreuves d’endurance. Je viens du vélo et j’ai participé à six reprises, à Paris-Brest, une compétition de 1250 km qui a lieu tous les quatre ans et qui se déroule sur trois jours. J’aime bien flirter avec mes limites et puis revenir aux fondamentaux qui sont s’alimenter, tout faire pour éviter les gros trous d’air, gérer ton fonctionnement pour aller d’un point A à un point B, sans abandonner. J’aime bien me lancer des défis et tout faire pour les surmonter. Pour récupérer de cette effort, je vais au moins mettre un bon mois.


 ʻʻ Il faut apprendre à bien se connaîtreʼʼ


— Avez-vous éprouvé des difficultés ?

Les nuits ont été longues, il fait nuit dès 18h30 et le soleil se lève vers 6h30 donc la lampe frontale est importante.

—  Comment vous-êtes vous préparé pour cet effort ?

Pour le Grand Raid, je me suis entraîné six mois sérieusement à raison de trois séances par semaine avec des sorties longues de 4/5 heures, en intégrant des sorties vélo et des séances de préparation physique. J’ai également suivi les entraînements de Patrice Moysan qui a fortement contribué à mon résultat et je le remercie. C’est pas mal de sacrifices pour arriver préparé le jour-J. Je suis parti trois semaines dans les Alpes et les Pyrénées cet été pour me mettre en confiance dans les descentes. Bizarrement, mes quadriceps et mes cuisses sont moins fatigués que sur un marathon, où tu veux faire un chrono. Je tourne autour de 3 ou 3,5 km/heure de moyenne sur 47 heures de course (37h24′). Cela laisse des toxines mais moins que sur un marathon, c’est étonnant. Je découvre d’autres sensations.

— Quels sont les conseils que vous pourriez donner aux personnes qui veulent franchir le pas vers ce type de trail ?

Commencer par des trails de courtes distances et réaliser un travail de renforcement musculaire conséquent. Il y a un gros travail de musculature au niveau des jambes et les cuisses notamment parce qu’on est toujours sur des appuis assez aléatoires. Le physique et le mental sont soumis à rude épreuve. Il faut apprendre à bien se connaître, par exemple, je n’ai pas dormi la première nuit mais j’ai dormi vingt minutes la deuxième nuit. Cette pause m’a permis de récupérer pour bien pouvoir terminer la course.

A 54 ans, Antoine Ropert n’avait encore jamais couru sur un format aussi long. Défi relevé.