Ancienne spécialiste du 400 m (record en 52″23 en 2015), Agnès Raharolahy, reconvertie sur 800 m depuis cet hiver seulement, connaît une progression fulgurante sur le double tour de piste avec un meilleur chrono de 2’00″60. La protégée d’Emmanuel Huruguen, qui profite depuis la catégorie poussine de la qualité de formation du Nantes Métropole Athlétisme, aborde les Championnats de France Elite (24 au 26 juin) à Caen avec de fortes ambitions. Interview !
— Agnès, comment as-tu découvert l’athlétisme ?
J’ai découvert l’athlétisme à l’école. Je courais déjà vite à cette époque. Mes parents trouvaient que je courais bien alors ils ont décidé de m’inscrire à l’athlé. Je n’aimais pas particulièrement ça, je ne voulais pas trop y aller. J’étais inscrite à la Chapelle mais je ne faisais pas l’école là-bas, alors je ne connaissais pas grand monde. J’étais timide. Je faisais de la gymnastique en même temps. Je faisais tout pour aller à la gym et j’évitais l’athlé. J’ai persévéré dans l’athlétisme quand j’ai commencé à faire des performances.
— Pourquoi as-tu décidé de te reconvertir sur 800 m et laisser le 400 m de côté ?
Avant de passer sur le 800 m, j’ai fait une première reconversion l’an passé sur 400 m haies. Lorsque j’ai fait cette première reconversion, j’hésitais déjà avec le 800 m. Cela faisait un moment que je disais à mon entraîneur que je voulais faire du 800 m plus tard. L’année avant ma première reconversion, je suis resté sur 400 m parce que j’avais l’impression de ne pas être allé au bout. Avec cette distance, j’avais toujours cette opportunité pour le relais. Malheureusement, j’avais un blocage sur 400 m. Je n’arrivais pas à passer le cap. Mentalement, ça ne passait plus. À l’entraînement, tout se passait bien mais en compétition ça ne passait jamais. C’était un cercle vicieux. Les performances ne progressaient pas et je ne me sentais pas bien dans ma tête. Finalement, l’année dernière, on a pris la décision de passer sur du 400 m haies. C’était l’année des jeux et c’était plus facile de faire une transition vers le 400 m haies. C’est la même distance. Cette première reconversion m’a fait du bien. Je ne regrette pas du tout. De toute façon, je ne me sentais pas capable de passer sur le 800 m à ce moment. Passer sur 400 m haies, c’était la transition qui m’a permis de reprendre confiance en moi. C’était une saison de remise en confiance. Ça m’a fait du bien, je prenais du plaisir. Je m’en rends compte encore plus cette année. Je prends du plaisir à chaque compétition. J’avais perdu ce sentiment. Tu ne t’en rends pas compte quand tu es dans le truc. Cet hiver, j’ai fait du 800 m car il n’y a pas de 400 m haies en salle. Je savais que ça allait potentiellement me faire basculer définitivement sur le 800 m. À la base, moi et mon entraîneur avons décidé de faire du 800 m cet hiver parce que ça collait bien pour la préparation du 400 m haies. Finalement, j’ai continué sur cette nouvelle distance car je prenais vraiment du plaisir. J’ai senti que c’était mon truc, qu’il y avait une belle marge de progression.
— Comment s’est déroulée ta saison hivernale ?
J’y allais un peu sans repères. J’avais fait quelques 800 m sans vraiment m’entraîner. C’était bien, je ne courais pas derrière un chrono. Je voulais juste faire mieux à chaque sortie. Mentalement, ça a suivi et ça donnait envie de continuer. Cette saison hivernale a été à la hauteur de mes espérances. Je fais championne de France Elite à Miramas sur la distance. C’est bien d’arriver sur la discipline et de concrétiser comme ça.
— Comment s’est déroulé ton stage d’intersaison (Île d’Oléron, Monte Gordo) ? Quel était l’objectif de ce stage ?
J’ai fait deux stages d’intersaisons, le premier avec mon groupe d’entraînement. L’objectif, c’était la préparation avec des grosses séances puis de changer d’air. Sortir de sa zone de confort et de se retrouver entre athlètes, ça fait du bien. C’était plus un stage de cohésion. Le deuxième était à Monte Gordo. J’ai rejoint un groupe lyonnais de demi-fond. C’était bien car ça ressemblait davantage à un stage de haut-niveau. J’ai profité de leur groupe. À Nantes, dans mon groupe, nous sommes que 2 à faire du 800 m. En général, je fais mes séances seule. À Monte Gordo, j’étais avec d’autres filles, ça m’a permis de voir un peu où j’en étais. C’était bien de se remettre dans l’esprit confrontation.
— Dans quel état d’esprit étais-tu pour les Interclubs ? Satisfaite de tes performances ?
C’était trop bien. Ça faisait longtemps que je ne les avais pas faits. À chaque fois j’étais en compétition avec les relais. Cela fait plusieurs années que je n’ai pas pu y participer. J’ai bien aimé l’ambiance au premier tour. Il y a quand même un travail à faire sur la cohésion du groupe. Il manquait ce petit truc. Mais sinon j’étais trop contente de refaire du relais. Au niveau de mes performances, je suis contente même si j’aurai aimé faire un peu mieux.
— Le week-end dernier, tu as claqué un énorme chrono sur 800 m en 2’00″60 au Meeting de Chorzow, en Pologne. Quel a été ta réaction après avoir franchi la ligne d’arrivée avec ce chrono ?
Au début, je ne savais pas quel chrono j’avais fait. Je me suis dit « Oh non, je suis loin des filles qui sont devants ». Quand j’ai vu le chrono, j’ai fait « wow, trop bien ». J’étais quand même hyper frustrée parce que les minima pour les Championnats d’Europe c’est 2’00″40 et j’ai fait 2’00″60. Deux dixièmes sur un 800 m, ce n’est tellement rien. Malgré ça, j’étais vraiment super contente. Surtout que j’ai cette impression de ne pas savoir vraiment où sont mes limites sur 800 m. J’ai gagné un peu plus d’une seconde et demie par rapport à Montreuil. Le contexte a beaucoup aidé. Ça a été fait à la dernière minute. J’ai appris le vendredi midi que je courais à Chorzow. Tout s’est enchaîné très vite. Quand je suis arrivé sur la piste, c’était vraiment incroyable. Quand tu rentres dedans, tu sais déjà que tu vas faire une bonne performance. Il y a vraiment une énergie. J’ai retrouvé la sensation de stade de grands championnats.
— Si on te dit que tu es la 17e meilleure performeuse française de tous les temps, quel est ton sentiment ?
C’est bien mais ce n’est pas encore assez ! Je suis hyper fière. J’ai la dixième performance européenne, c’est ouf car c’est ma première année sur 800 m. Il y a une grosse densité mais tout le monde se pousse vers le haut.
— Quel est ton programme pour la suite de la saison estivale ?
Ça va passer très vite. Je cours à Marseille la semaine prochaine. C’est ma dernière cartouche avant les Championnats de France Élite. Dans l’idéal, j’aimerai faire les minima pour les Championnats du Monde qui sont à 1’59″30. J’ai une grosse seconde à gagner. Je pense que ça va être dur parce qu’il faut la bonne course, les bonnes conditions… Il faut que tous soient réunis. Je vise les Championnats d’Europe également. Il me reste 2 dixièmes, je sais que je les ais dans les jambes. Je sais que ça ne va pas être facile mais j’y crois. Si ça ne passe pas, il faudra que je relativise. C’est ma première année sur 800 m. J’ai trouvé ma voie.
— As-tu un petit rituel avant les compétitions ?
Depuis cet hiver, mes sœurs m’ont offert des boucles d’oreilles à mon anniversaire. C’était en novembre. Je les ai mises au Meeting de Nantes et ça s’était bien passé. À chaque fois que je cours à Nantes, je gagne la course. Le public nous galvanise. Depuis, je cours toujours avec. J’ai battu mon record à chaque sortie.
— Que penses-tu du projet « Paris Horizon 2024 » ?
Le projet est très bien. Ça fait un moment que je suis dans l’athlétisme et je n’avais jamais vu de dispositif comme celui-ci. C’est super qu’on mette en place ce type de dispositif pour les jeunes et les athlètes. Ça va dans le bon sens pour professionnaliser les athlètes et favoriser les performances.
— Penses-tu que toutes les conditions sont réunies, ici à Nantes, pour favoriser la performance ?
À Nantes, on est super bien entourés. Il y a beaucoup de choses qui sont mises en place pour nous aider. Je n’ai jamais été très forte pour me vendre. Ça nous libère de ce travail à faire en plus. Au niveau des infrastructures, la salle est super bien, le pôle est top avec une kinésithérapeute hyper compétente. On a tout pour progresser.
— Tu as aujourd’hui 29 ans, qu’en est-il de ton projet professionnel ?
Je n’ai pas vraiment prévu la suite. Je sais qu’il y a des choses que je ne veux pas faire. J’ai fait une licence en langue et un master enseignement pour être professeur des écoles. Je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais faire. C’est difficile quand tu fais du sport du haut-niveau et que tu vies de ta passion, de trouver un métier à la hauteur de ce que tu as vécu. Un métier qui te fait autant vibrer que ta passion.
— Les JO de Paris en 2024, tu y penses ?
Oui j’y pense. C’est mon dernier gros objectif de carrière. J’aurai 31 ans. Vu ce que je fais en ce moment, je me dis qu’il n’y a pas de raison de ne pas y croire. Ce serait bête de ne pas y croire. Si je gagne 2 secondes à chaque course, je suis sur la bonne lancée !
— Quel est ton plus grand rêve en tant qu’athlète ?
Gagner les Jeux olympiques. Après il faut rester réaliste. Il y a des grosses pointures à l’international. Il y a des filles qui font 1’55″00 sur 800 m. Après sur 800 m, on ne sait jamais, il peut toujours se passer des choses sur une course. Gagner les Jeux ou un podium olympique, c’est le rêve de tous les athlètes.
— Si tu devais nous raconter un de tes plus beaux souvenirs à l’athlétisme, quel serait-il ?
Zurich, c’était un très bon souvenir. Pas la performance en soit mais plutôt le retour de Zurich. Toute l’effervescence qu’il y a eu. Comment le public était avec nous. On est arrivée Gare de Lyon à Paris et on a été accueilli comme si on était des footballeurs. Ce moment m’a vraiment marqué. En plus, c’était ma première sélection en senior, chez les grands. J’ai commencé direct pas ça. L’enchaînement de Zurich et de Prague, c’était un super souvenir. Les relais aux Bahamas, l’ambiance, c’était également un beau souvenir. C’est un pays qui vit pour l’athlétisme. Tu rentres sur la piste et tu as envie de tout donner, te déchirer pour faire la meilleure performance.
— Si tu avais un message à adresser à ton club, quel serait-il ?
Un grand merci au Nantes Métropole Athlétisme, aux dirigeants, aux partenaires et à l’ensemble des bénévoles.
Propos recueillis par Félix Desile et Pauline Salmon
Crédit photo : @nmathle